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Sujet du mois :

A la découverte de nos racines…

 Hommage à  Wendo Kolosoy (1925 – 2008) par  Clovis A. Mwamba

(Pour le parisien Kassoto)

 « Tango ya ba Wendo »

 (L’Époque de Wendo)

 La chanson de charme et la guitare en écharpe sur le fleuve Congo

 La meilleure façon de rendre hommage à un musicien mort est de célébrer son art qui seul l’immortalise devant la postérité.

 Le début de la carrière musicale du patriarche (1930-1940).

 De l’Ouest à l’Est, au rythme des cabotages des navires sur les côtes du majestueux fleuve Congo Wendo Kolosoy ouvre aux fils et filles du terroir la voie de la musique de variété dite musique congolaise moderne. Partout, au gré de  l’inspiration de l’artiste, le martèlement de la cuillère sur la bouteille rythme et communique la joie et la peine agrémentées du merveilleux accompagnement du likembe, de lokole et de la guitare portée en écharpe. Marie Loisa (Marie Louise) inaugure la brochette des chefs d’œuvres de Kolosoy. A la faveur duphono (phonographe) l’artiste rayonne jusque dans les coins reculés des deux Congo (belge et français).

 Influence de Wendo sur les capitales administrative et économique du Congo.

 La réforme administrative intervenue en 1933 au Congo Belge crée six provinces: Léopoldville, Equateur, Orientale, Kasaï, Kivu et Katanga. Le gouverneur général réside dans la capitale à Léopoldville (Kinshasa), le vice-gouverneur général réside au Katanga à Elisabethville (Lubumbashi), la capitale économique. Wendo suscite des émules à l’Ouest comme à l’Est mais la différence de styles musicaux distingue

les deux pôles urbains.

 Un pole musical, le Katanga

 A l’époque, l’influence anglaise est prépondérante au Katanga en raison de l’environnement du Tanganyika (Tanzanie), de la Rhodésie du Nord (Zambie) et singulièrement de l’outil colonial de production Union Minière du Haut Katanga (Gécamines) tributaire de la main d’œuvre pionnière importée des Rhodésie du Nord et du Sud et du Nyassaland (1). Elle incline manifestement à la musique des noirs américains (2): le negro spiritual, le jazz, le swing, le rock and roll

Le sabasaba dit “7/7” est la version en vogue dans les débits de boissons dits cabarets dans les centres extra-coutumiers «C.E.C». Le jecoké est l’expression scénique des spectacles populaires. Ainsi, l’exhibition des groupes appelés bands foisonne en habit, c’est-à-dire: pantalon astiqué de boléro, chemise plastronnée, nœud papillon, redingote et haut de forme. Si la batterie, le piano, les instruments à vent tel le saxophone et les trompettes venaient à manquer mais jamais la guitare ou le banjo.

 Le guitariste chanteur, Jean Bosco Mwenda

 Détaché de l’ombre envahissante de sa mère, une pleureuse, qui excellait en chansons aux réveillons et surtout aux lieux de deuils, l’adolescent Wendo pratique son chant, d’abord quasi en solo, puis en groupe. Il a popularisé ayoleli au Congo, le célèbre cri (au studio) des noirs américains des années 1930. Wendo incline au style du solitaire cow-boy américain à l’Est. Chez les mangeurs du cuivre notamment, au Katanga, lacountry music est égrenée à la façon du pays, aux sons de la guitare sèche rehaussés des tintements rythmés de la cuillère articulée sur la bouteille vide.

Le doigté délicat et la fantaisie exquise de virtuose et guitare d’or USA 1969, l’instrument magique de la musique congolaise en mains, Mwenda transmue son message d’amour en sonorités formatées, ainsi cette parodie:

Chaque fois que Bosco empoigne sa guitare

Elle adresse un chant d’amour à l’Aimée

Quand l’enfant du Pays Yeke gratte sa guitare

Elle distille un parfum d’amour envoûtant les cœurs

Car les six cordes allégrement chatouillées détachent

Des pétales  qui fleurissent les pas enchantés de l’Amante!

 “Marie Loisa” un chant qui réveille les morts

 “En écoutant chanter Mari Loisa les morts se réveillaient de leurs tombes pour se mêler aux réjouissances des vivants dans les villages et dans les cités!”

Animiste et pittoresque, Wendo définit lapidairement en ces termes sa réussite musicale rattachée aux racines ancestrales. L’œuvre plaît au cœur et aux oreilles des «vivants et des morts» en rompant la barrière entre eux. La société africaine intégrale participe à la dance qui demeure inséparable du chant, des battements des tam-tams, des mains, des pieds, des secousses du corps sollicité tout  entier. Ainsi chante le Poète Senghor: “Nous sommes les hommes de la danse dont les pieds reprennent vigueur en frappant le sol dur!”

Composition musicale achevée donc, dans l’au-delà et ici-bas, par-delà les époques et les lieux Mari Loisarévèle un talent affirmé aux Congolais des deux rives. Wendo Kolosoy décline de manière particulière un thème universel. Il invite l’artiste à demeurer authentique, attentif à son âme dans la fidélité à l’inspiration de son cœur !

 “Marie Louise”un hymne à l’amour et à la beauté

Mari Loisa est un hymne à l’amour et à la beauté, diffusé la première fois sur disque au Congo Belge. A l’Est, à l’Ouest et sur la rive droite du fleuve commun, au Congo français, Wendo s’impose comme un modèle à l’artiste musicien. Celui-ci inaugure chaque fois son talent de compositeur en l’imitant. Dès lors, les noms et les prénoms féminins coiffent un florilège des chefs d’œuvres retentissant comme des clins d’yeux faits au maître. A cet égard, le Katanga n’est pas en reste avec ses compositions en swahili ou alternée swahili-ciluba:Marguerite (1949) de Léon Bukasa Tshosha exécuté sur le rythme du sabasaba (7/7); Marie Josée, mieuxBumbalaka,un chant un tantinet frondeur, atypique du répertoire moralisateur à souhait de Jean Bosco Mwenda; Ntumba Kamwanya (1956), Pauline (1958), Ngalula (1958) etc. de Kabongo Paris. Ces chansons ont révolutionné les mœurs au grand dam du pouvoir moral échoué  (l’Eglise catholique) dans l’éclatement dutrinôme colonial: Etat, Eglise, Sociétés (1956). Après l’indépendance, et dans la même lignée Malaika (1961) de Masengo, ‘frère cadet’ de Jean Bosco, interprété en swahili par Mama Africa, Miriam Makeba.

 Mari Loisa, un chant mis à l’index

L’Eglise constituait le pouvoir moral au sein du trinôme Etat-Eglise-Société au Congo Belge. Dans le contexte de l’époque le chant Mari Loisa a été mis à l’index. Car subversif à plus d’un titre. Il mettait en évidence le facteur amour, le péché contre lequel l’Eglise s’acharnait à détacher le Congolais supposé (selon la psychologie coloniale) conduit moins par son cortex (la raison  et la spiritualité) que par son hypothalamus développé. Par conséquent, le noir fut porté naturellement à la chair qu’à la contemplation! Le folklore fut interdit aux élèves qui, à coup sûr, étaient chassés de l’école s’il advenait que le curé l’ait su.

 Mari Loisa et l’émancipation de la femme congolaise

Avec Mari Loisa, le folklore investit le cabaret. Il venait de marquer autrement un pas décisif dans le développement culturel des centres urbains. La danse maringa naquit, appropriée aux temples du plaisir et exécutée en compagnie d’une «femme libre», une création des milieux nouveaux ou acculturés. C’est par l’exercice du métier le plus vieux du monde et la fréquentation du bar instauré comme lieu de racolage de clients masculins que la femme congolaise, ignorée de la formule HAV  (homme adulte valide) de la Main d’œuvre Indigène MOI  entreprit son émancipation. Traitée « invalide » au même titre que les infirmes, les vieillards et les enfants, la femme reconnue par l’Etat colonial fut admise au payement de l’impôt per capita.

Le monde des affaires s’ouvre ainsi aux Congolais, leur offrant les agréments de la civilisation, la production musicale et brassicole  accompagnée de la publicité. Bref, les Congolais sont devenus aussi des consommateurs. La divergence des intérêts au sein du trinôme colonial commença à se faire sentir. La fin de la 2è Guerre mondiale permit l’entrée nombreuse des anticléricaux au Congo Belge. Pire, le succès musical en réveillant les morts mêlés aux réjouissances des vivants jurait contre les prescrits de l’Eglise. Celle-ci enseignait aux Congolais l’existence d’un au-delà de contemplation avec possibilité de résurrection à la fin des temps et non la permanence des morts partageant la liesse des vivants jusqu’au cabaret!

 (A suivre.)

Les patterns (néo)coloniaux:

La fabrication des réfugiés congolais

1. Les patterns (néo)coloniaux [cf. Analyse politique]

La sempiternelle contradiction principale ‘homme armé’ (soldat, policier, milicienversus ‘homme non armé’ (civil, ignare, sauvage) est en vigueur au Congo depuis 125 ans. Cette recette de négrier était appliquée par lebulamatadi aux ordres de Léopold II en tant qu’instrument efficace au service de la minorité raciale et étrangère qui, avec l’aide des «collabos» armés, dominait la majorité des autochtones qualifiés abusivement de « bantous ». Cette appellation camouflait l’hypocrisie et la lâcheté des commanditaires esquivant les conséquences fâcheuses de la manipulation concertée. Ils les rapportaient à la sauvagerie atavique des ethnies et des races indigènes contraintes au regroupement, échelonnées et opposées entre elles au cours des missions «pacificatrices» d’anéantissement féroce des résistants. Chasser l’ «esclavagiste arabe», « civiliser » ou « christianiser » composaient ainsi le ‘vernis humaniste’ sous lequel était opérée la cruauté innommable: le crime universel, la spoliation et le travail forcé à coups de la chiquotte mortelle. Cet « agenda » du Roi Souverain a été théorisé et assumé par l’«Indigénat», l’apartheid ethno-racial et social belge. Autour de la contradiction-clé focalisée sur la possession du fusil pivote à ce jour, telle la folle du logis, un virulent cocktail des patterns (néo)coloniaux cultivés à souhait et manipulés pendant et après la Guerre froide au Congo.

2. La fabrication permanente des capitas

Les patterns (néo)coloniaux forment un terreau fertile à la fabrication et au renouvèlement systémique des capitas sur le plan national, propulsés par la force et maintenus en permanence au pouvoir despotique comme magistrats suprêmes.

Le complot international vaut le crime d’initié ourdi contre le Congo. Des hors-la-loi sont enferrés au pouvoir extraverti et légitimé par l’élite politique, militaire et affairiste occidentale qui met en œuvre la politique de la canonnière et la diplomatie des barbouzes qui garantissent la permanence de la république bananière. Pour les besoins de la cause, des caporaux de réserve des armées d’occupation sont parachutés officiers supérieurs et généraux. Ce sont, en réalité, des -constructeurs de l’indépendance nationale. Ces antithèses vivantes du principe universel de l’exercice du pouvoir par le peuple et pour le peuple sont, en faits et en actes, des ennemis acharnés de l’Etat de droit, de la démocratie et des droits humains au Congo.

A partir du 14 septembre 1960 au Congo dit indépendant le rôle assigné aux suppôts de la criminalité léopoldienne n’a pas changé. Recrutés en raison de leur propension au crime universel et féroce, ils sont propulsés à l’échelon national. Ainsi par euphémisme, l’Occident chrétien désigne les capitas néocoloniaux comme des ‘hommes forts’, des ‘seigneurs de guerre’ (après la Guerre froide) salués par Bill Clinton comme des ‘despotes éclairés’ ou ‘la nouvelle génération des dirigeants africains’. Cette «crise de vocabulaire» se paye la tête des congolais. Elle fut dénoncée jadis par Cheik Anta Diop à propos du fumeux ‘retour (recours, corrigé par L.S. Senghor) à l’authenticité’ développé à Dakar (1973) par un griot mobutiste de triste mémoire, Sakombi Inongo.

En réalité le président américain Bill Clinton n’était pas dupe en 1996 mais révélé cynique et négrier moderne comme à la fin du XIXe siècle. A l’exemple de son prédécesseur en 1960, D. Eisenhower, il barra la voie à la seconde indépendance du Congo: la libération de l’anachronique caporalisme des capitas implanté par la CIA le 14 septembre 1960. Il arrêta net l’évolution politique insufflée par la dynamique de la Conférence Nationale Souveraine « CNS » (1991-1992) consistant à recourir à l’histoire pour refonder l’Etat. Chaud partisan de la suppression de la « mémoire historique » du peuple congolais en appliquant l’amnésie comme instrument néocolonial, la politique de la canonnière du président américain empêcha l’avancée des congolais dans la conquête effective de l’Etat de droit, de la démocratie et des droits humains instruits des leçons du passé. Après 36 ans, Clinton remit les pendules à l’heure de la dictature du bulamatadi. Il reproduisit ainsi le Congo Program 1960 de la CIA: la réinvention du capita néocolonial, cette copie fidèle du capita colonial devenu le Capita National au pouvoir d’Etat. Le précieux chainon manquant a été trouvé en l’occurrence: un autre caporal de réserve en la personne de Kabila II, un fusible replacé depuis dans le circuit politique congolais ne varietur.Comme en 1960 et sous l’égide internationale du « monde libre » (+ « ONUC ») devenue « communauté internationale » (+ « MONUC ») le lien a été renoué avec l’époque coloniale et léopoldienne menacée de mort par la victoire de l’Indépendance ‘Uhuru’ proclamée en 1960 et celle de la ‘Souveraineté’ décrétée en 1991 par la Conférence Nationale.

3. L’industrie de fabrication des réfugiés

La gamme variée des patterns oppositionnels constitue l’industrie de fabrication des réfugiés, un épiphénomène qui, dans le cas précis du Congo, est le résultat pervers ou la conséquence directe du pillage néocolonial des ressources naturelles pratiqué dans le silence de cimetière imposé au pays. Les congolais insécurisés à l’intérieur des frontières nationales sont devenus malgré eux une hypothèque internationale. Pendant 50 ans, bien que la population ait quintuplée au fil des ans, la moyenne statistique qui déserte à l’étranger reste constante: 1/10e de la population totale du Congo, 3 à 6 millions selon Development Research Centre /University of Sussex, 2010. Ainsi, dans le monde les congolais sont rangés parmi les plus anciennes vagues des émigrés remontant, en Afrique, à l’époque du ‘soleil des indépendances’. Ils sont en gros répartis par vagues articulées selon les périodes de la Guerre froide et d’après la Guerre froide.

Dès lors il convient de distinguer les réfugiés dans leur pays appelés déplacés de guerre, ceux qui franchissent la frontière nationale devenus des sans- papiers ou des demandeurs d’asile tandis que les chanceux sont reconnus réfugiés (statutaires) par l’UNHCR. Ces derniers sont respectivement régis par trois différentes conventions de Genève (1951), de l’Organisation de l’Unité Africaine OUA (1968) devenue l’Union Africaine ‘UA’ et celle propre à chaque Etat.

En outre, l’UNHCR distingue les réfugiés urbains qui sont pourvus du statut individuel à la différence des prima facies regroupés dans les camps et dotés du statut collectif. La triple solution de l’UNHCR (rapatriement volontaireintégration sociale et réinstallation) s’applique instamment aux premiers, de manière aléatoire aux autres qui, souvent, font en bloc l’objet de rapatriement volontaire selon l’expression consacrée par les fameuses ‘Commissions Tripartites’ comprenant les délégués de l’UNHCR et des gouvernements respectifs de la RDC et des pays hôtes.


La destination des réfugiés congolais pendant et après la guerre froide

1. La remise en question des patterns (néo)coloniaux

Deux partis politiques et leurs alliés respectifs sont sortis du lot de la poussière des patterns oppositionnels, c’est-à-dire de la manipulation (néo)coloniale des contradictions principales et secondaires évoqués plus bas. C’est pourquoi, de manière emblématique ces partis politiques ont marqué la contestation coloniale et néocoloniale au point de créer et de symboliser le nationalisme congolais et africain: la revendication de la liberté, de la démocratie et du droit de vivre dignement comme homme et femme (refusé aux congolais) dans leur propre pays. Ces partis sont le Mouvement National Congolais/ Lumumba ‘MNC/L’ créé à l’époque coloniale finissant (1958) et l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social ‘UDPS’. Cette opposition non violente, contrainte à la clandestinité pendant la dictature du Parti-Etat fut créée de manière très originale en 1982 en vertu de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de l’ONU dont la république bananière est partie.

2. La destination générale des réfugiés congolais

La machine répressive de l’Etat policier sous la férule des Capitas Nationaux en succession à l’imperium s’acharne chaque fois à détruire les deux grands partis politiques cités, à harasser, enlever, torturer et assassiner leurs militants au point de contraindre à l’exil certains rescapés à la mort. L’Afrique (79.7%) et l’Europe (15.3%) ont accueilli les vagues des sans-papiers, des demandeurs d’asile et des réfugiés congolais de la 1ère République putschiste du 14/09/1960 jusqu’à la 3ème République caporaliste de 2006 à nos jours. Les USA ont accueilli principalement les réfugiés congolais des 2e et 3e Républiques caporalistes de 1970 et de 2006 à nos jours. Traités de « communistes » (mot fourre-tout pendant la Guerre froide) les nationalistes du « MNC/Lumumba » et affiliés pendant la 1ère République putschiste (1960-1970) évitaient pour des raisons évidentes l’exil chez les « néocolonialistes et impérialistes » (USA) et se réfugiaient en Europe occidentale, côtoyant les «sécessionnistes» (sic) par exemple, dans les pays de l’ex Pacte de Varsovie et en République Populaire de Chine.

L’«UDPS» ouvrit la contestation frontale de la sanguinaire dictature de droite en sapant les fondements caporalistes de la 2ème République. Sans recourir aux armes, ce parti politique enseigna au peuple congolais à surmonter la peur armé seulement des droits humains, à l’oral comme à l’écrit, à revendiquer la dignité d’exister en tant que des hommes et des femmes libres dans leur pays et au monde. C’est la substance de la lettre ouverte de 52 pages du 1/11/1980 au potentat du 14 septembre 1960 par les 13 courageux parlementaires devenus les fondateurs dudit parti politique (1982). La désobéissance civile assumée au prix même de la mort contre la dictature caporaliste était née : « Zamba epeli moto banyama baboyi kokima ! » Malgré que le feu fasse rage dans la jungle les animaux refusent de s’enfuir! Une citation proverbiale d’un chant allégorique célébrant la ‘victoire sur la peur’ répercutée par le guitariste frondeur F. Lwambo. Subversif encore à cette époque fut l’ouvrage: «Je suis un Homme!» écrit par l’Archevêque catholique E. Kabange. Dans le sillage tracé par la fille aînée de l’opposition congolaise des ilots de résistance suscités dans les divers secteurs associatifs, civils et corporatifs, voient le jour: école privée, ONG des droits humains, presse indépendante etc. La Conférence Nationale Souveraine concrétise et couronne le combat pour l’égalité des citoyens sans discrimination sur le plan social (‘citoyens d’en-haut’ – les grands – versus ‘citoyens d’en-bas’ – les petits), du genre (homme versus femme), promeut la méritocratie en lieu et place des antivaleurs prioritaires tels le militantisme fasciste et le charme féminin à l’embauche, la conquête des libertés matérielles (liberté scolaire, liberté d‘opinion, liberté d’association, liberté de presse etc.), la justice sociale, la démocratie, l’Etat de droit. Ceci, faut-il quand même le reconnaître, en concordance avec la mouvance des droits humains déclenchés dans le monde par le président américain Jimmy Carter qui, en 1977, remit en question la définition de la diplomatie exercée selon l’éminence grise H. Kissinger. Les réfugiés de la vague « UDPS » ont afflué aux USA, au Canada, aux portes de l’Europe voire en Australie. Ils continuent ainsi l’exode pendant la 3ème République qui est le décalque caporaliste de la 2ème République. En effet, le Capita National en place au Congo est un réserviste «FPR»: la Force Publique Revenue (Mobutu) comme Front Patriotique Rwandais (Kabila II).

La «crise» : un canard à déboulonner au Congo

Refuser le droit de cité au mot ‘crise’ n’est pas faire la politique d’autruche. C’est plutôt faire la politique d’autruche que ne pas oser fixer et nommer la débâcle qui fait rage en permanence en République D. du Congo voilà cinq décades. Congolisation ou Zaïrianisation, c’est tout un. Rejeter le mot ‘crise’ est un premier pas sur la voie de la libération nationale. Tenez! Dans le contexte précis du Congo, le mot ‘crise’ a perdu son sens courant, littéraire et académique. A l’exemple du mot ‘démocratie’ recouvrant au pays la dictature sanguinaire et qui relève aussi de la sémiologie caractéristique des patterns oppositionnels dénoncés ici. Depuis la récupération (néo)coloniale de l’indépendance le 14 septembre 1960, sur le plan social, économique et politique, ce mot est un pernicieux soporifique pour accompagner l’extinction en douce des générations successives des congolais (déjà trois de 1960 à ce jour) qui sont chaque fois capturées et bercées dans le mirage des faux espoirs de la perception du tunnel. Ce vocable induit ainsi la complicité active des victimes avec leurs bourreaux dans l’effacement cynique mais efficace de leur propre Mémoire en permettant l’intrusion des régimes caporalistes. Des pêcheurs en eaux troubles, des kléptocrates -constructeurs du pays dans toutes ses coutures, ces parasites rampant dans le crime international d’initié engrangent dans les banques des pays du Nord des milliards de billets verts estampillés « In God We Trust ». Ils sont renouvelés au pouvoir en entonnant le crédo répétitif de la reconstruction nationale dès lors que ces pions assurent l’endettement permanent du Congo, en entretenant la récurrence de la crise qui n’est plus définitivement.

En mémoire de…:

La page dédiée aux aux personnalités marquantes de l’Histoire de la RD Congo

1. La Mort à Dakar du Camarade Professeur Dr (Ph.D.) Raphaël Tshikala Kayembe BIAYA (1950 – 2002), fonctionnaire international (USA) et fondateur du premier parti socialiste reconnu en R.D. Congo (1991): l’Alliance des Gauches «ALGAU».

Pour Athanase Kabundji Tshitenge),
Jean Kalama Ilunga et Mukendi Augustin

Parti comme il est venu !

La pelure intacte sur le régime
le fruit rongé à l’intérieur
rabattez toute la bananeraie
ramenez au bout du gourdin
la dépouille minuscule du rat malicieux
camouflé en-deçà son nom kilométrique
KAMPINGIDIDI rit de la « Couvade »
embrasse au soleil un destin obscur


Uhr ! Uhr ! KABUNGAMA NSAMBA!

Le bruit soufflé éclate la Joie
bébé né « Affligé » recueilli sur l’ample
essuie-main
étalé en houppelande dans les mains agiles
présenté aux rayons de l’Aube sur le pas de
la porte
au terme du bain projeté en l’air l’enfant
rieur ah !
Mère n’est plus là pour dérider la mort
sous le masque
du Prince d’Orient – le MULUBA étendu

dans sa bière

Uhr ! Uhr ! SILENCE
Les perles dégoulinent sur les joues                                                                                                                       assombries
le frémissement de mélopées au fond de cœurs blêmes
un clin d’œil sonore
un soupir décliné au bout du fil
la contagion envahit les coins
du Village planétaire
la rengaine langoureuse arrache les pétales
de cristal des yeux embués – obscurcis les rayons
sous les Tropiques
l’océan vaporescent de larmes voltige
entêté dans les nuées
pareil à une énorme bulle cotonneuse                                                                                                                                   de blues échappés
des trompettes en sanglots

Yoyoy wey ô!
Accourez donc saluer
le Descendant du Clan-de -Forgerons
de la Montagne d’En-Haut
Oiseleur-à–la-Glue qui conquit par
la Grâce et
la Séduction le Pouvoir Suprême
réjoui le Pays du « Petit-Serpent »
le Monarque dota l’Infante de larges

pans des terres du Royaume

Les grands pieds de l’Iguane-d’-Orient
marchaient sur le tapis déroulé de divorces
ravir les bouquins des rayons de librairies
seulement pour faire le lit de dame
la Science
Sa plume noircissait quantité de guirlandes
tel un essaim de bambins prodiges
égailler virtuellement le cou de l’Histoire

Le sac de voyage sur le dos
l’appareil de photos empoigné                         
ALAFWELA
 enfilait les surnoms
comme il changeait ses Jeans
apprécié à la table du bourgeois
il effeuillait volontiers sa chikwange
en partage dans la rue

Tête folle cœur d’or
la cinquantaine accomplie
Kala BIAYA
                                                                                                                                                                              précipite le mariage avec sa Promise
lègue MULELE-l’-Ethiopien vagir
à la postérité
 

TSHIKALA  MWAMBA ILUNGA !
Fils pas comme les autres
Messager d’exception du Verbe Eternel
de Sa Majesté
la Voix chaude de l’Ambassadeur Impérial                                                                                                                           implose que dis-je!                                                                                                                                                                                                                ondule dans la poussière
de cavalcade à Dakar
Frère s’en est allé SILENCIEUX
comme il est né.

Poème  inédit                    

C.A.Mwamba N. Kayembe

2. Hommage à Madilu Système

A la découverte des racines
L’exploration de l’univers du nom africain
Hommage à Madilu Système

Par Clovis A. Mwamba.

Le 11/08/ 2007 une voix de la musique africaine s’est éteinte à Kinshasa, la capitale de la République Démocratique du Congo. Pendant quatre décennies environ (1968-2007) cette voix lyrique et captivante a bercé aux rythmes de la rumba congolaise les petits et les grands sur le continent du soleil. Ses obsèques ont drainé une marrée humaine. Des personnalités étaient même venues des différents coins du pays et des horizons divers de l’Afrique et du monde.
Talent immense au style ampoulé, Madilu a contribué énormément à l’essor de la littérature chantée en lingala au Sud du Sahara. Ses compositions demeurent un régal de poèmes, de proverbes, de maximes, d’allégories et/ou de piques de haute facture popularisées par ses tubes “Mario”, “Voisin”, “Frère Edouard” et j’en passe. Pendant trois jours le corps de l’artiste a été exposé au Stade des Martyrs comportant 80 mille places. Ce fut quasi un deuil national!
En signe d’adieu à l’illustre disparu, réuni autour du cercueil, un chœur de musiciens des deux rives du fleuve Congo a chanté Aimé d’amour (1).

“Je m’appelle Bialu Madilu…”(2).

Madilu est complexe. D’abord comme artiste, ensuite comme personnage. En Afrique, au Sud du Sahara, le nom forme une partie intégrante de la personnalité si bien il sied de déclarer: dis-moi comment tu t’appelles et je te dirais qui tu es!
Madilu porte une dizaine de noms, en tous cas moins que Mama Africa, Myriam Makeba, qui déclamait d’un jet ses cinquante noms sans hésitation! System, Multi-System, Ninja, Ya Jean, Makiese, Ya Kiese, Ramsès II, Le Grand Pharaon… Chacun l’appelait comme il voulait, généralement sous l’évocation de souvenirs ou de fantasmes soulevés par le personnage ou ses chansons.
Jean de Dieu est son prénom catholique.
Elu président de la république en 1970 de la manière que l’on sait, le Lt-général Joseph Désiré Mobutu sanctionne sa mutation politique à la tête du pays par un changement de noms. L’année suivante (1971) Mobutu Sese Seko Kuku Gbendu Wa Zabanga ordonne l’adoption de noms authentiques à l’exclusion de noms étrangers ou marqués de telle assonance pour les citoyens et leur pays (sic). Ainsi,  par un fait de prince la République (Démocratique) du Congo (3) devint la République du Zaïre.
Après consultation de sa mère, Jean de Dieu se nomme BIALU.
Bialu: un nom évoquant ses frères décédés en cascade.
Bialu est le résultat de la réunion des noms abrégés Bianza et Madilu. Le mot bianza relatif à la terre et au pays signifie en langue kongo ce qui est du monde. Ce nom (anthroponyme) désigne par métonymie les frères du musicien décédés. La fusion des initiales [bia-] (apocope de Bianza) et de la finale [-lu] (aphérèse de Madilu) perpétue leur souvenir à travers un nom antinomique de la mort: Bialu.
L’acculturation sur le plan de la spiritualité est patente ici. Le nom Bianza rime avec le prénom chrétien Jean de Dieu et en dévoile le sens caché. Tous les deux expriment la dimension numineuse du porteur que la famille meurtrie a effectivement placé sous la protection des ancêtres (terre, pays) et de Dieu (ciel) grâce aussi au baptême qui est la seconde naissance du chrétien. De manière singulière et surprenante le syntagme nominal Bialu Madilu vaut un anthroponyme qui signifie deuils en cascade dans la langue (ci-) luba appartenant avec le (ki-) kongo (4) à la famille des langues bantu. Voilà pourquoi d’aucuns congolais considèrent le défunt musicien comme Muluba! Mais, il y a plus.

Bia: un nom d’amour.

 

Les noms campent Madilu sur le versant de la vie que son génie célèbre sous tous les aspects au nom de l’amour. Il a immortalisé son épouse dans un chef d’œuvre intitulé BIA (5). Ce nom-symbole condense les apocopes [bia-] de Bialu, Bialungana et Bianza, respectivement les noms du musicien, de son père et de ses frères décédés.
Au-dessous du Sahara, la femme africaine est d’abord génitrix. Elle donne la vie: c’est une mère. Car naître, croître, devenir adulte, se marier, engendrer (devenir mère ou père), vieillir, mourir, devenir ancêtre et renaître à travers le nom attribué aux enfants décrit le cycle de vie en partage avec les morts – dont la femme est ce chenal sacré – et qui correspond dans la société à l’accroissement de rôles et de statuts. Boucler ce cycle de vie est un mérite et un privilège chez l’Africain alors reconnu: bon, beau et fécond. Généralement un seul mot (polysémie) exprime ce triple sens dans nos langues.
Madilu chante ces moments vitaux. A raison il s’appelle Makiese, le contraire de la tristesse: la Joie. Dès lors, le chant d’amour pour BIA est un hymne immense à la vie. Il implique l’amour voué à sa famille (les vivants comme les morts) et au genre humain. Son penchant protectionniste incline le chanteur à s’identifier plus à la femme. En effet, le vagissement de la vie l’obsède telle une fixation psychologique et le pousse à ignorer même le nom de ses enfants (au nombre de sept) pour les interpeller chaque fois par le vocable Bébé, sauf évidemment sa fille aînée Jeannette portant le diminutif de son nom au féminin. Un lapsus (sens psychologique)? Instauré justicier il égratigne, raille sans pitié, livre un combat sans merci aux méchants (“Voisin”) à l’égard de la femme: Mario, un gigolo, Frère Edouard, un faux dévot etc. Ils figurent les ténèbres de la mort drapée sous le mensonge, l’hypocrisie, l’escroquerie, la déception, la tristesse.
Le vrai sens des surnoms.

Les surnoms nombreux, en apparence excentriques, certes reflètent la perception du personnage, ses angoisses, ses phobies et ses fantasmes. Lwambo dit Franco de Mi Amor alias le sorcier de la guitare connut très tôt un destin misérable d’orphelin qui lui valut de sa mère le nom Tristesse, Makiadi. Au sommet de son art Tristesse découvrit le talent multiple et incomparable de La –Joie Madilu.  Il l’adopta dans son orchestre “OK Jazz” et le baptisa System. A l’époque c’était en violation flagrante de la loi sur l’authenticité des noms instaurée au Congo-Zaïre.  Lwambo d’ailleurs revendiqua contre la falsification du dictateur chrétien Mobutu son authenticité musulmane butée à l’Etat civil fasciste: Aboubacar Sidick!
Les surnoms mettent le musicien en situation. C’est pourquoi à beaucoup d’égards Madilu paraît insaisissable pour le commun. Car il est des tous les pays, des tous les continents et des tous les temps. Chez lui le particulier traduit l’universel et vice versa; il se rie des distinctions artificielles – le fait des humains – et naturelles qui sont des barrières intolérables à l’expression somptueuse de son génie situé au-delà. A raison, l’artiste se démontre un démiurge.
En clair Madilu transcende admirablement les oppositions chevillées au genre (homme vs femme), au statut social (cadet vs aîné, néophyte vs initié, monogame vs polygame/polygyne, pauvre vs riche, prolétaire vs bourgeois, roturier vs noble, sujet vs roi, vivant vs mort), au statut religieux (ouailles, croyant vs prêtre, pasteur) au lieu (ici vs ailleurs, Congo vs Egypte, Japon, ici-bas vs au-delà, terre vs ciel) au temps (passé vs présent, ancien vs nouveau, avant J.C. vs après J.C.). Volontiers conciliateur  sa fraternité légendaire lui vaut le surnom de Ya (apocope de yaya en lingala, en kikongo, ciluba etc.) désignant selon la primogéniture l’Aîné, c’est-à-dire “le Grand”. Ainsi il est dénoté Ya Jean, Ya Kiese, Ya Madilu (…) Grand Ninja, Multi-System, Ramsès II alias le Grand Pharaon. Bref, mégalomanie ou excentricité du chanteur mises à part, son prénom catholique le rattache à la transcendance suprême: Jean de Dieu. Le sens enfant de Dieu est plus affirmé en langues bantu usant du connectif [–a] / [wa] à la place de la préposition française de.
Eros et Thanatos.
Balancé entre l’amour et la haine  Madilu choisit la vie et hait la mort. La première reste un bien précieux à protéger en face de la seconde: l’inévitable! L’horreur du méchant lui inspire de récuser dans une métaphore célèbre dont seul il détenait le secret: l’agonie sinistre du mal-aimé hélas, le serpent, qui tenta Eve! Il se compare à un moustique car à peine touché l’insecte meurt. Cette  image magnifique exprime le caractère délicat d’enfant précieux, né à la suite de multiples décès (négations de la vie) en famille. Plus qu’un programme de vie, un destin: chez Madilu le nom devint un art du mourir.
Emporté par les muses il a laissé planer derrière lui un goût d’inachevé. En réalité une invitation solennelle aux humains à parachever son œuvre, plutôt son combat pour le triomphe de la Vie qui est Amour.
En séjour de montage de clips au Congo, atteint d’un mal récalcitrant dans les jambes, transporté samedi le 10 août 2007 à 22 heures à la Clinique Universitaire de Kinshasa au Mont Amba, lucide dans son lit: il vécut ses ultimes instants en antithèse de la mort. Il a rusé avec elle toute la nuit, l’exorcisant dans la profusion des blagues qui le tinrent en éveil jusqu’à son dernier soupir au chant du coq le jour du Seigneur. En effet, à cinq heures du matin, l’Artiste salua à sa manière le retour à la Vie comme pour dire avec le Poète: “Les morts ne sont pas morts” (6). Né un dimanche il s’en alla pour de bon aussi un dimanche.
Sa mort occasionna le miracle de la réconciliation entre artistes musiciens au Congo. Là où les pouvoirs politiques successifs et l’argent échouèrent d’exaucer les vœux du public (tous âges confondus) tant national qu’international.

A Melbourne, la mort de Madilu a attristé la communauté congolaise et africaine. Des coups de téléphones ont fusé de partout. Les WEB ont été très sollicités. Des musiciens de la Soukous  qui l’ont connu et même évolué en sa compagnie sur la scène musicale Passi Joe, King Bell, Leona  lui ont rendu un hommage déférant. Des hommages  aussi ont été largement diffusés par BBC/Afrique. Aujourd’hui, bien que mort sa voix reste familière de l’intimité des maisons et des “parties” dans l’Etat de Victoria et en Australie.


1) Un clin d’oeil à un chef d’oeuvre “Aimé wa bolingo” du virtuose de la guitare congolaise Franco. 
(2) Souvent, l’auteur se présente en ces termes dans ses chansons. 
(3) La République du Congo (1960) devint la République Démocratique du Congo (1964, selon la Constitution de Luluabourg), redevint la République du Congo au lendemain du putsch du 24/11/1965. 
(4) Langue de la RDC, le kikongo est parlé aussi en République du Congo et en  République d’ Angola.
(5) Dans les langues bantu, la semi-voyelle [y] s’intercale toujous entre les voyelles consécutives [i] et [a]. Ainsi: Bia = Biya.
(6) Extrait du  poème Le souffle des ancêtres de Birago Diop.

La page dédiée aux Héros et aux Martyrs du (néo)colonialisme

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Le martyr – infanticide – de BENDE TALASUE (1987-1999) à la DEMIAP/ 50è BDE Commander/ Camp Militaire Lt-Colonel Kokolo

 En 1999, la DEMIAP suspecte comme rebelle du Mouvement de Libération du Congo «MLC» au Sud-Equateur Bende Talasue. Le bambin raflé, fut déporté à Kinshasa. Traité de ‘caca’ en forêt, il mourut affamé et anonyme, à plus d’un millier de kms du village natal, loin de sa famille: « Reverrai-je aussi ma mère ? » fut la dernière parole du marmot effondré mort aux pieds du chef de poste, le kadogo A. K.!Son cadavre squelettique fut abandonné, visité par les vers, dégageait l’odeur pestilentielle. L’accumulation d’autres cadavres dans la cellule-mouroir obscure fut nécessaire. Entassés, ils étaient transportés  la nuit sur le pont de la rivière N’Sele. Bende fut basculé, englouti au fond de l’affluent du fleuve Congo!

 La DEMIAP/«DEMIAP » /50ème Brigade Commander

C. A. Mwamba a dépeint la déshumanisation vécue à la Détection Militaire Anti-Patrie «DEMIAP » /50ème Brigade Commander dans La Cathédrale (Poème) s  (1999) et dans Le Sanctuaire (Poème) s (2010). Ces deuxlivres ont paru aux Editions L’Harmattan à Paris.

L’auteur a baptisé «La Cathédrale» la DEMIAP de l’Etat Major du Camp Lt-Colonel Kokolo. Ce titre vaut une métaphore. C’est l’île du voyage sans retour – la Gorée des esclaves sans retour – version kabiliste. La saga criminelle dans les cellules techniques de mise à mort appelées «mabosu» a été approfondie  dans Le Sanctuaire (également une métaphore). Ces cellules-mouroirs étaient disséminées dans la ville de Kinshasa 1) à l’Etat Major de la «DEMIAP » /50ème Bde du Camp Militaire Lt-colonel Kokolo situé aux confins des communes de la Gombe et de Lingwala et 2) dans la forêt de Kimbondo à la périphérie de la ville. Les détenus au secret sont étiquetés «mavi» (caca) «binyamanyama».

 Les «binyamanyama» et le caca

Dans les mouroirs de la DEMIAP la déshumanisation prend plusieurs formes entre autres, l’animalisation:c’est l’assimilation d’une personne à l’animal dégradé nyamanyama, et, la «cacalisation»: la réduction d’une personne au caca. Les noms ainsi prononcés à la DEMIAP valent la sentence de mort! La solution finale consiste à tuer (égorger, abattre, dépecer vivant, noyer etc.) bref à se débarrasser sans remord de la victime.

1) Le sort des «binyamanyama» dans les «mabosu» y est pire que celui des vaches à conduire à l’abattoir. On prend soin de leur viande car destinée à la consommation publique!  Des «binyamanyama» (le pré-préfixe bi-  et le radical redoublé nyamanyama  marquent la dépréciation) constituent la «pourriture vivante» à jeter en pâture aux crocodiles et aux poissons du fleuve Congo.

2) L’auteur a créé deux néologismes: «cacaliser» (verbe) et «cacalisation» (substantif dérivé)  signifiant la condamnation à périr dans le forclos des cachots obscurs inondés de matières fécales – le ‘caca’ des massacrés à l’arme blanche – au cas où le cocktail virulent microbes + odeurs fétides n’ont pas achevé à brève échéance les victimes. Subir cette peine.

 Le Sanctuaire forestier de la DEMIAP

Le Sanctuaire forestier est situé à environ 50 km de la ville de Kinshasa à Kimbondo, dans le bois de la ferme rapinée à l’ex Général mobutiste Kpama Baramoto, en faveur du Gl rund  Jean Yav Nawej. Elle comporte une boîte de nuit “NAYA” (=Danse en  rund) et des chambres réservées pour les parties fines dont une, très luxueuse, exclusive au ‘président autoproclamé’ L-D Kabila. En contre bas de NAYA le Sanctuaire érigé dans la cave d’une villa coloniale est géré par le Gl J. Yav Nawej pour le compte du G2 DEMIAP Joseph Kabila  et  du comandant en chef  de l’armée et chef d’Etat autoproclamé, L-D Kabila. Des consignes strictes protègent l’accès à ce lieu sinistre. La personne qui s’y hasarde ou s’égare est abattue sans sommation, enterrée à la sauvette  dans le bois ou jetée dans la fausse sceptique.

 Enlèvement, infanticide et disparition du cadavre de Bende Talasue

Le plus jeune «détenu» au Sanctuaire forestier, Bende Talasue, était âgé de 12 ans ! Raflé dans le sud de la province de l’Equateur, il fut déporté par la DEMIAP à la maison d’arrêt de Gemena au nord de sa province natale. La Croix Rouge Internationale/CICR le visita le 30 avril 1999 ainsi que ses compagnons d’infortune qualifiés comme lui de «vulnérables» – jeton d’identification englouti avec leur cadavre dans la rivière N’Sele… Cette visite impromptue du CICR poussa la police politique à déporter, le premier mai 1999, les «détenus» au « Sanctuaire » à Kinshasa. Le 7 juin 1999, après 37 jours de souffrance, le premier mort est ZAGBALAFIO. Ses compagnons comprennent alors qu’ils le suivront tôt ou tard !

 L’agonie de Bende Talasue

 Mai ! Mai !

 Le destin indifférent

ligote dans le dos même

les coudes

du bébé vagissant. Au fond de

la cave

le Sanctuaire forestier baigne

dans la pestilence des effluves.

Les captifs

drastiquement séquestrés

efflanqués

fantasmagoriques affectent

prodigieusement.

 

Au fil des jours la faim

la soif

les maladies harponnent

les spectres vivants parqués

hagards sur le plancher.

La perception délirante  provoque

la confusion mentale si contagieuse

à l’esprit sain.

L’homme somnole debout

car la folie latente l’habite.

L’échine recourbée dans l’anonymat

réducteur des ténèbres

l’humanité outragée drape l’horreur

aliénante dans la vision d’apocalypse.

 Sous la peau glabre et délavée

à l’excès de température

l’articulation ostensible des os

dénombrés

au moindre mouvement

déclenche des craquements

morbides dans les oreilles

ébranlées d’hystérie.

Le masque mortifère arboré

sorti clandestinement du merdier

on ne sut jamais quand

le petit déporté de l’Equateur* a

souri pleuré ou ri. Esseulé

le vide maternel incommensurable 

 le benjamin fébrile se protège

d’abord contre

la brise et l’éblouissement

de la lueur de l’astre diurne

au couchant

pourtant effacé derrière le bois.

Bende  se cabre à quatre pattes

entêté comme une mule

dévore aussitôt la terre à sa portée.

L’arrière goût salé du sol sablonneux

ravive l’appétit; vorace, le gosse

ballonne son ventre. Redressé

enfin le marmot sans roter titube

fasciné.

 

le benjamin fébrile se protège

d’abord contre

la brise et l’éblouissement

de la lueur de l’astre diurne

au couchant

pourtant effacé derrière le bois.

Bende  se cabre à quatre pattes

entêté comme une mule

dévore aussitôt la terre à sa portée.

L’arrière goût salé du sol sablonneux

ravive l’appétit; vorace, le gosse

ballonne son ventre. Redressé

enfin le marmot sans roter titube

fasciné.

 

A l’allongée du bras droit crispé

un gobelet rempli d’eau

un pain de chikwangue  à l’autre

au fond des guenilles effilochées

empochée la provision de glèbe

efflorescente. Ce soir le cauchemar

vécu au quotidien par l’enfant s’estompe

dans l’enchantement. Son rêve se fait

jour

le miracle serré dans les petites mains

tremblantes:

«De Poste* reverrai-je aussi ma mère?»

Le regard rivé encore sur son trésor  

la boisson et  la nourriture emballée

le bambin fantasme un déni de réalité

hiératique la voix progressivement

éteinte s’écroule: «A boire ! A boire !…» *

 * Le chef de poste.

* Mots-phrases débitées en lingala par l’enfant à l’agonie: « Mai! Mai !… »

Violations flagrantes des droits humains en RD Congo

« Voici la liste des assassinats politiques au Zaïre/R-D Congo depuis 1994, dont une quinzaine sont répertoriés sur le site de l’organisation congolaise Journalistes En Danger/JED (affiliée à Reporters Sans Frontières/RSF) http :www.jed-afrique.org/fr/ :

1. Pierre KABEYA, reporter à Kin-Matin, journal de Kinshasa, tué le 8 juin 1994 près du camp militaire Loano à Kinshasa-Kintambo. En octobre 1994, la justice (mobutiste) classe le dossier en déclarant insuffisants les éléments d’identification des tueurs.

2. Adolphe KAVULA MISSAMBA, directeur du journal d’opposition Nsemo, arrêté par la Sécurité mobutiste et retrouvé mort à Kasangulu (Bas-Zaïre) le 12 novembre 1994. Aucune enquête ni procès n’ont été ouverts.

3. Belmonde Magloire MASSINHOUN, béninois, ancien photographe du Pt Mobutu, directeur du journal Le Point Congo, collaborant à la Sécurité de L-D Kabila, porté « disparu » à Kinshasa le 13 septembre 1998. Aucun signe de vie depuis lors.

4. AKITE KISEMBO, 28 ans, interprète de l’envoyé spécial de l’Agence France-Presse à Bunia (Province Orientale) durant l’Opération militaire française ‘Artémis’, enlevé à Bunia le 3 juillet 2003 par la rébellion milicienne UPC de Thomas Lubanga (actuellement détenu à La Haye par la CPI), porté « disparu » depuis.

5. Pascal KABUNGULU, ex secrétaire exécutif de l’association pour les droits humains Héritiers de la Justice, homme des médias oeuvrant à Bukavu (Sud-Kivu), abattu chez lui la nuit du 1er août 2005 par 3 hommes dont 2 en uniforme. Soupçonné du meurtre, le lieutenant-colonel Thierry Ilunga, commandant la 105è Brigade des FARDC (l’armée nationale aux ordres de Joseph Kabila, alors Président de la Transition ‘1+4’), a été arrêté, jugé et condamné puis relâché sans explication. 3

6 et 7. Franck NGYKE KANGUNDU, chef de la rubrique politique à La Référence Plus, journal de Kinshasa, assassiné avec son épouse Hélène MPAKA, chez eux, le soir du 3 novembre 2005. A l’issue du procès de plusieurs mois, le tribunal militaire de Kinshasa-Matete a condamné à mort les 2 principaux accusés et à la prison à perpétuité leur complice.

8. KAYILU MUTOMBO, technicien de maintenance de la chaîne CCTV (appartenant au leader du MLC, Jean-Pierre Bemba, alors principal rival du Pt Joseph Kabila et actuellement détenu à La Haye par la CPI), poignardéle 29 mars 2006 à Kisanga/Lubumbashi (Katanga) ; l’émetteur-relais a été détruit. Aucune enquête n’a été ouverte.

9. MWAMBA BAPUWA, 64 ans, journaliste indépendant, de retour à Kinshasa après plus de 20 ans d’exil politique en France, tué chez lui à Kinshasa-Matete dans la nuit du 8 juillet 2006 par des hommes en uniforme. Le 24 août 2007, à l’issue du procès, la justice militaire a condamné à mort les « coupables » dont certains se sont évadés depuis.

10. Serge MAHESHE KASOLE, secrétaire de rédaction à Radio-Okapi (MONUC), tué dans la rue le 13 juin 2007à Bukavu (Sud-Kivu) devant deux amis aussitôt accusés du meurtre ! Le 21 mai 2008, la Cour Supérieure Militaire de Bukavu les a fait relâcher et a condamné à mort les « vrais coupables ».

11. Patrick KIKUKU WILUNGULA, reporter-photographe à l’Agence Congolaise de Presse/ACP de Goma (Nord-Kivu), tué d’une balle dans la tête et dépouillé de son matériel, près de chez lui le 9 août 2007. Aucune enquête n’a été ouverte.

12. Daniel BOTHETI, parlementaire de l’opposition MLC (J-P Bemba), assassiné en juillet 2008 à Kinshasa.

13. Didace NAMUJIMBO, journaliste à Radio-Okapi (MONUC), tué à Bukavu (Sud-Kivu) la nuit du 21 novembre 2008. Sous la pression des ong congolaises des droits humains et des médias, etc. les autorités militaires ont annoncé l’ouverture d’une enquête. Mais un an après, rien n’avait encore démarré.

14. Bruno KOKO CIRHAMBIZA, chroniqueur culturel de Radio Star, station privée émettant à Bukavu (Sud-Kivu), poignardé la nuit du 23 août 2009 par 8 individus. Sous la pression populaire, les autorités politico-judiciaires annoncent l’ouverture d’une enquête.

15. Patient CHEBEYA BANKOME dit MONTIGOMO, 35 ansjournaliste cameraman indépendant, travaillant pour plusieurs TV à Béni (Nord-Kivu), tué le soir du 5 avril 2010, par 3 hommes en uniforme, chez lui dans la commune de Mulekera.

16 et 17. Floribert CHEBEYA BAHIZIRE, 47 ans, directeur exécutif de l’ong la Voix des SansVoix/VSV pour le respect des droits humains, retrouvé mort dans sa voiture à Kinshasa le 1er juin 2010, après un rendez-vous « annulé » avec le chef de la police, le général Numbi Banza Tambo. Son chauffeur, Fidèle BAZANA EDADI, a été porté « disparu ». Sous la pression internationale (Etats occidentaux et ONU), le Pt Joseph Kabila a commandité une enquête, au point mort à ce jour.

18. Salvator MUHINDO, membre de l’association ‘Bon Samaritain’ pour la défense des droits humains, à Béni (Nord-Kivu), abattu par des hommes en uniforme le 29 juin 2010, chez lui à Kalungata (route de Béni à Butembo).…

Entre 1994 et 2010, au Zaïre devenu R-D Congo, sous les régimes successifs de Mobutu, L-D Kabila et J. Kabila, ces journalistes et défenseurs des droits humains ont été assassinés ou portés « disparus » – sans comptabiliser ceux et celles qui ont été et sont menacés de mort, qui ont subi et subissent des coups et blessures, qui ont été arrêtés et détenus plus ou moins longtemps ou le sont encore dans les geôles de la Sécurité Militaire, sans autre motif que celui d’avoir gêné ou de « gêner » le Pouvoir en place.

Notons que les régimes de J-D Mobutu Sese Seko et de Joseph Kabila ont été mis sur orbite par les Etats démocratiques occidentaux (Europe et USA) et appuyés par l’ONU, respectivement en 1960 et 2001. Il est temps de faire pression sur nos responsables politiques afin qu’ils interviennent auprès de leur filleul actuel Joseph Kabila, et que la démocratie puisse enfin fonctionner en R-D Congo.

** * Faites circuler cet appel. Ceux qui se sentent concernés peuvent écrire à:      
Monique CHAJMOWIEZ(éditrice à L’Harmattan)
monique.chajmowiez@hotmail.fr

Copie envoyée, entre autres, aux organisations sus-mentionnées.