L’immigration Mikili : l’autre face de l’initiation congolaise
Le passage de l’enfance à l’état d’adulte avait lieu, selon la classe d’âge, dans l’initiation. Cette institution éducative, un ‘rite de passage’ se réalisait en trois étapes: le départ (séparation) du village, l’entrée (voyage risqué) en forêt (initiation proprement dite) et le retour (intégration à fêter) au village. Aujourd’hui cette voie royale d’émancipation par l’acquisition collective du statut social d’adulte est quasi affectée par la modernité. Certes, l’idéal traditionnel inscrit dans le développement du ‘cycle de vie’ demeure: le travail, le mariage et la procréation. Les enfants nés en villes échappent à la communauté d’origine de leurs géniteurs nés et initiés au village. Formés à l’école du blanc, victimes du chômage chronique comme un frein à leur émancipation par exemple, les enfants urbains refusent de vivre aux crochets des parents, souvent âgés et au chômage. Ils « cherchent l’argent », cette clé du mariage et de la procréation et entendent devenir adulte autrement. La mère, le père, le camarade pris comme individus peuvent déclencher le processus migratoire: le départ aux Mikili(Europe, Australie). Cette aventure est menée jusqu’au bout, seul ou avec des copains, sans faire demi-tour pour regagner le pays natal. La loi initiatique du ‘tout ou rien’ s’applique – réussir ou mourir. Généralement, le silence est gardé sur la mort du néophyte qui sera enterré en ‘forêt’. Elle sera révélée à sa famille en débarquant à l’étranger. L’émigré prendra racine en obtenant les ‘papiers’ d’immigration. Son nouveau statut conquis au prix des sacrifices et des risques énormes est confirmé en se procurant le travail. Cette activité adulte est la preuve matérielle de sa réussite auprès des membres de sa famille demeurés au pays et il leur enverra l’argent et des cadeaux. Le schéma initiatique traditionnel est reformulé ainsi: la séparation, le départ (voyage ‘sans papiers’ avec risque de mort) au Mikili et la fixation ailleurs (immigration).
Dans le présent article, l’Australie est le point d’achèvement de l’itinéraire individuel des néophytes. Tandis que la musique et la danse concrétisent la matérialisation du statut adulte ainsi conquis et affirmé au pays du Kangourou et de l’Emu.