La page dédiée aux aux personnalités marquantes de l’Histoire de la RD Congo
1. La Mort à Dakar du Camarade Professeur Dr (Ph.D.) Raphaël Tshikala Kayembe BIAYA (1950 – 2002), fonctionnaire international (USA) et fondateur du premier parti socialiste reconnu en R.D. Congo (1991): l’Alliance des Gauches «ALGAU».
Pour Athanase Kabundji Tshitenge),
Jean Kalama Ilunga et Mukendi Augustin
Parti comme il est venu !
La pelure intacte sur le régime
le fruit rongé à l’intérieur
rabattez toute la bananeraie
ramenez au bout du gourdin
la dépouille minuscule du rat malicieux
camouflé en-deçà son nom kilométrique
KAMPINGIDIDI rit de la « Couvade »
embrasse au soleil un destin obscur
Uhr ! Uhr ! KABUNGAMA NSAMBA!
Le bruit soufflé éclate la Joie
bébé né « Affligé » recueilli sur l’ample
essuie-main
étalé en houppelande dans les mains agiles
présenté aux rayons de l’Aube sur le pas de
la porte
au terme du bain projeté en l’air l’enfant
rieur ah !
Mère n’est plus là pour dérider la mort
sous le masque
du Prince d’Orient – le MULUBA étendu
dans sa bière
Uhr ! Uhr ! SILENCE
Les perles dégoulinent sur les joues assombries
le frémissement de mélopées au fond de cœurs blêmes
un clin d’œil sonore
un soupir décliné au bout du fil
la contagion envahit les coins
du Village planétaire
la rengaine langoureuse arrache les pétales
de cristal des yeux embués – obscurcis les rayons
sous les Tropiques
l’océan vaporescent de larmes voltige
entêté dans les nuées
pareil à une énorme bulle cotonneuse de blues échappés
des trompettes en sanglots
Yoyoy wey ô!
Accourez donc saluer
le Descendant du Clan-de -Forgerons
de la Montagne d’En-Haut
Oiseleur-à–la-Glue qui conquit par
la Grâce et
la Séduction le Pouvoir Suprême
réjoui le Pays du « Petit-Serpent »
le Monarque dota l’Infante de larges
pans des terres du Royaume
Les grands pieds de l’Iguane-d’-Orient
marchaient sur le tapis déroulé de divorces
ravir les bouquins des rayons de librairies
seulement pour faire le lit de dame
la Science
Sa plume noircissait quantité de guirlandes
tel un essaim de bambins prodiges
égailler virtuellement le cou de l’Histoire
Le sac de voyage sur le dos
l’appareil de photos empoigné
ALAFWELA enfilait les surnoms
comme il changeait ses Jeans
apprécié à la table du bourgeois
il effeuillait volontiers sa chikwange
en partage dans la rue
Tête folle cœur d’or
la cinquantaine accomplie
Kala BIAYA précipite le mariage avec sa Promise
lègue MULELE-l’-Ethiopien vagir
à la postérité
TSHIKALA MWAMBA ILUNGA !
Fils pas comme les autres
Messager d’exception du Verbe Eternel
de Sa Majesté
la Voix chaude de l’Ambassadeur Impérial implose que dis-je! ondule dans la poussière
de cavalcade à Dakar
Frère s’en est allé SILENCIEUX
comme il est né.
Poème inédit
C.A.Mwamba N. Kayembe
2. Hommage à Madilu Système
A la découverte des racines
L’exploration de l’univers du nom africain
Hommage à Madilu Système
Par Clovis A. Mwamba.
Le 11/08/ 2007 une voix de la musique africaine s’est éteinte à Kinshasa, la capitale de la République Démocratique du Congo. Pendant quatre décennies environ (1968-2007) cette voix lyrique et captivante a bercé aux rythmes de la rumba congolaise les petits et les grands sur le continent du soleil. Ses obsèques ont drainé une marrée humaine. Des personnalités étaient même venues des différents coins du pays et des horizons divers de l’Afrique et du monde.
Talent immense au style ampoulé, Madilu a contribué énormément à l’essor de la littérature chantée en lingala au Sud du Sahara. Ses compositions demeurent un régal de poèmes, de proverbes, de maximes, d’allégories et/ou de piques de haute facture popularisées par ses tubes “Mario”, “Voisin”, “Frère Edouard” et j’en passe. Pendant trois jours le corps de l’artiste a été exposé au Stade des Martyrs comportant 80 mille places. Ce fut quasi un deuil national!
En signe d’adieu à l’illustre disparu, réuni autour du cercueil, un chœur de musiciens des deux rives du fleuve Congo a chanté Aimé d’amour (1).
“Je m’appelle Bialu Madilu…”(2).
Madilu est complexe. D’abord comme artiste, ensuite comme personnage. En Afrique, au Sud du Sahara, le nom forme une partie intégrante de la personnalité si bien il sied de déclarer: dis-moi comment tu t’appelles et je te dirais qui tu es!
Madilu porte une dizaine de noms, en tous cas moins que Mama Africa, Myriam Makeba, qui déclamait d’un jet ses cinquante noms sans hésitation! System, Multi-System, Ninja, Ya Jean, Makiese, Ya Kiese, Ramsès II, Le Grand Pharaon… Chacun l’appelait comme il voulait, généralement sous l’évocation de souvenirs ou de fantasmes soulevés par le personnage ou ses chansons.
Jean de Dieu est son prénom catholique.
Elu président de la république en 1970 de la manière que l’on sait, le Lt-général Joseph Désiré Mobutu sanctionne sa mutation politique à la tête du pays par un changement de noms. L’année suivante (1971) Mobutu Sese Seko Kuku Gbendu Wa Zabanga ordonne l’adoption de noms authentiques à l’exclusion de noms étrangers ou marqués de telle assonance pour les citoyens et leur pays (sic). Ainsi, par un fait de prince la République (Démocratique) du Congo (3) devint la République du Zaïre.
Après consultation de sa mère, Jean de Dieu se nomme BIALU.
Bialu: un nom évoquant ses frères décédés en cascade.
Bialu est le résultat de la réunion des noms abrégés Bianza et Madilu. Le mot bianza relatif à la terre et au pays signifie en langue kongo ce qui est du monde. Ce nom (anthroponyme) désigne par métonymie les frères du musicien décédés. La fusion des initiales [bia-] (apocope de Bianza) et de la finale [-lu] (aphérèse de Madilu) perpétue leur souvenir à travers un nom antinomique de la mort: Bialu.
L’acculturation sur le plan de la spiritualité est patente ici. Le nom Bianza rime avec le prénom chrétien Jean de Dieu et en dévoile le sens caché. Tous les deux expriment la dimension numineuse du porteur que la famille meurtrie a effectivement placé sous la protection des ancêtres (terre, pays) et de Dieu (ciel) grâce aussi au baptême qui est la seconde naissance du chrétien. De manière singulière et surprenante le syntagme nominal Bialu Madilu vaut un anthroponyme qui signifie deuils en cascade dans la langue (ci-) luba appartenant avec le (ki-) kongo (4) à la famille des langues bantu. Voilà pourquoi d’aucuns congolais considèrent le défunt musicien comme Muluba! Mais, il y a plus.
Bia: un nom d’amour.
Les noms campent Madilu sur le versant de la vie que son génie célèbre sous tous les aspects au nom de l’amour. Il a immortalisé son épouse dans un chef d’œuvre intitulé BIA (5). Ce nom-symbole condense les apocopes [bia-] de Bialu, Bialungana et Bianza, respectivement les noms du musicien, de son père et de ses frères décédés.
Au-dessous du Sahara, la femme africaine est d’abord génitrix. Elle donne la vie: c’est une mère. Car naître, croître, devenir adulte, se marier, engendrer (devenir mère ou père), vieillir, mourir, devenir ancêtre et renaître à travers le nom attribué aux enfants décrit le cycle de vie en partage avec les morts – dont la femme est ce chenal sacré – et qui correspond dans la société à l’accroissement de rôles et de statuts. Boucler ce cycle de vie est un mérite et un privilège chez l’Africain alors reconnu: bon, beau et fécond. Généralement un seul mot (polysémie) exprime ce triple sens dans nos langues.
Madilu chante ces moments vitaux. A raison il s’appelle Makiese, le contraire de la tristesse: la Joie. Dès lors, le chant d’amour pour BIA est un hymne immense à la vie. Il implique l’amour voué à sa famille (les vivants comme les morts) et au genre humain. Son penchant protectionniste incline le chanteur à s’identifier plus à la femme. En effet, le vagissement de la vie l’obsède telle une fixation psychologique et le pousse à ignorer même le nom de ses enfants (au nombre de sept) pour les interpeller chaque fois par le vocable Bébé, sauf évidemment sa fille aînée Jeannette portant le diminutif de son nom au féminin. Un lapsus (sens psychologique)? Instauré justicier il égratigne, raille sans pitié, livre un combat sans merci aux méchants (“Voisin”) à l’égard de la femme: Mario, un gigolo, Frère Edouard, un faux dévot etc. Ils figurent les ténèbres de la mort drapée sous le mensonge, l’hypocrisie, l’escroquerie, la déception, la tristesse.
Le vrai sens des surnoms.
Les surnoms nombreux, en apparence excentriques, certes reflètent la perception du personnage, ses angoisses, ses phobies et ses fantasmes. Lwambo dit Franco de Mi Amor alias le sorcier de la guitare connut très tôt un destin misérable d’orphelin qui lui valut de sa mère le nom Tristesse, Makiadi. Au sommet de son art Tristesse découvrit le talent multiple et incomparable de La –Joie Madilu. Il l’adopta dans son orchestre “OK Jazz” et le baptisa System. A l’époque c’était en violation flagrante de la loi sur l’authenticité des noms instaurée au Congo-Zaïre. Lwambo d’ailleurs revendiqua contre la falsification du dictateur chrétien Mobutu son authenticité musulmane butée à l’Etat civil fasciste: Aboubacar Sidick!
Les surnoms mettent le musicien en situation. C’est pourquoi à beaucoup d’égards Madilu paraît insaisissable pour le commun. Car il est des tous les pays, des tous les continents et des tous les temps. Chez lui le particulier traduit l’universel et vice versa; il se rie des distinctions artificielles – le fait des humains – et naturelles qui sont des barrières intolérables à l’expression somptueuse de son génie situé au-delà. A raison, l’artiste se démontre un démiurge.
En clair Madilu transcende admirablement les oppositions chevillées au genre (homme vs femme), au statut social (cadet vs aîné, néophyte vs initié, monogame vs polygame/polygyne, pauvre vs riche, prolétaire vs bourgeois, roturier vs noble, sujet vs roi, vivant vs mort), au statut religieux (ouailles, croyant vs prêtre, pasteur) au lieu (ici vs ailleurs, Congo vs Egypte, Japon, ici-bas vs au-delà, terre vs ciel) au temps (passé vs présent, ancien vs nouveau, avant J.C. vs après J.C.). Volontiers conciliateur sa fraternité légendaire lui vaut le surnom de Ya (apocope de yaya en lingala, en kikongo, ciluba etc.) désignant selon la primogéniture l’Aîné, c’est-à-dire “le Grand”. Ainsi il est dénoté Ya Jean, Ya Kiese, Ya Madilu (…) Grand Ninja, Multi-System, Ramsès II alias le Grand Pharaon. Bref, mégalomanie ou excentricité du chanteur mises à part, son prénom catholique le rattache à la transcendance suprême: Jean de Dieu. Le sens enfant de Dieu est plus affirmé en langues bantu usant du connectif [–a] / [wa] à la place de la préposition française de.
Eros et Thanatos.
Balancé entre l’amour et la haine Madilu choisit la vie et hait la mort. La première reste un bien précieux à protéger en face de la seconde: l’inévitable! L’horreur du méchant lui inspire de récuser dans une métaphore célèbre dont seul il détenait le secret: l’agonie sinistre du mal-aimé hélas, le serpent, qui tenta Eve! Il se compare à un moustique car à peine touché l’insecte meurt. Cette image magnifique exprime le caractère délicat d’enfant précieux, né à la suite de multiples décès (négations de la vie) en famille. Plus qu’un programme de vie, un destin: chez Madilu le nom devint un art du mourir.
Emporté par les muses il a laissé planer derrière lui un goût d’inachevé. En réalité une invitation solennelle aux humains à parachever son œuvre, plutôt son combat pour le triomphe de la Vie qui est Amour.
En séjour de montage de clips au Congo, atteint d’un mal récalcitrant dans les jambes, transporté samedi le 10 août 2007 à 22 heures à la Clinique Universitaire de Kinshasa au Mont Amba, lucide dans son lit: il vécut ses ultimes instants en antithèse de la mort. Il a rusé avec elle toute la nuit, l’exorcisant dans la profusion des blagues qui le tinrent en éveil jusqu’à son dernier soupir au chant du coq le jour du Seigneur. En effet, à cinq heures du matin, l’Artiste salua à sa manière le retour à la Vie comme pour dire avec le Poète: “Les morts ne sont pas morts” (6). Né un dimanche il s’en alla pour de bon aussi un dimanche.
Sa mort occasionna le miracle de la réconciliation entre artistes musiciens au Congo. Là où les pouvoirs politiques successifs et l’argent échouèrent d’exaucer les vœux du public (tous âges confondus) tant national qu’international.
A Melbourne, la mort de Madilu a attristé la communauté congolaise et africaine. Des coups de téléphones ont fusé de partout. Les WEB ont été très sollicités. Des musiciens de la Soukous qui l’ont connu et même évolué en sa compagnie sur la scène musicale Passi Joe, King Bell, Leona lui ont rendu un hommage déférant. Des hommages aussi ont été largement diffusés par BBC/Afrique. Aujourd’hui, bien que mort sa voix reste familière de l’intimité des maisons et des “parties” dans l’Etat de Victoria et en Australie.
1) Un clin d’oeil à un chef d’oeuvre “Aimé wa bolingo” du virtuose de la guitare congolaise Franco.
(2) Souvent, l’auteur se présente en ces termes dans ses chansons.
(3) La République du Congo (1960) devint la République Démocratique du Congo (1964, selon la Constitution de Luluabourg), redevint la République du Congo au lendemain du putsch du 24/11/1965.
(4) Langue de la RDC, le kikongo est parlé aussi en République du Congo et en République d’ Angola.
(5) Dans les langues bantu, la semi-voyelle [y] s’intercale toujous entre les voyelles consécutives [i] et [a]. Ainsi: Bia = Biya.
(6) Extrait du poème Le souffle des ancêtres de Birago Diop.