Les patterns (néo)coloniaux:

La fabrication des réfugiés congolais

1. Les patterns (néo)coloniaux [cf. Analyse politique]

La sempiternelle contradiction principale ‘homme armé’ (soldat, policier, milicienversus ‘homme non armé’ (civil, ignare, sauvage) est en vigueur au Congo depuis 125 ans. Cette recette de négrier était appliquée par lebulamatadi aux ordres de Léopold II en tant qu’instrument efficace au service de la minorité raciale et étrangère qui, avec l’aide des «collabos» armés, dominait la majorité des autochtones qualifiés abusivement de « bantous ». Cette appellation camouflait l’hypocrisie et la lâcheté des commanditaires esquivant les conséquences fâcheuses de la manipulation concertée. Ils les rapportaient à la sauvagerie atavique des ethnies et des races indigènes contraintes au regroupement, échelonnées et opposées entre elles au cours des missions «pacificatrices» d’anéantissement féroce des résistants. Chasser l’ «esclavagiste arabe», « civiliser » ou « christianiser » composaient ainsi le ‘vernis humaniste’ sous lequel était opérée la cruauté innommable: le crime universel, la spoliation et le travail forcé à coups de la chiquotte mortelle. Cet « agenda » du Roi Souverain a été théorisé et assumé par l’«Indigénat», l’apartheid ethno-racial et social belge. Autour de la contradiction-clé focalisée sur la possession du fusil pivote à ce jour, telle la folle du logis, un virulent cocktail des patterns (néo)coloniaux cultivés à souhait et manipulés pendant et après la Guerre froide au Congo.

2. La fabrication permanente des capitas

Les patterns (néo)coloniaux forment un terreau fertile à la fabrication et au renouvèlement systémique des capitas sur le plan national, propulsés par la force et maintenus en permanence au pouvoir despotique comme magistrats suprêmes.

Le complot international vaut le crime d’initié ourdi contre le Congo. Des hors-la-loi sont enferrés au pouvoir extraverti et légitimé par l’élite politique, militaire et affairiste occidentale qui met en œuvre la politique de la canonnière et la diplomatie des barbouzes qui garantissent la permanence de la république bananière. Pour les besoins de la cause, des caporaux de réserve des armées d’occupation sont parachutés officiers supérieurs et généraux. Ce sont, en réalité, des -constructeurs de l’indépendance nationale. Ces antithèses vivantes du principe universel de l’exercice du pouvoir par le peuple et pour le peuple sont, en faits et en actes, des ennemis acharnés de l’Etat de droit, de la démocratie et des droits humains au Congo.

A partir du 14 septembre 1960 au Congo dit indépendant le rôle assigné aux suppôts de la criminalité léopoldienne n’a pas changé. Recrutés en raison de leur propension au crime universel et féroce, ils sont propulsés à l’échelon national. Ainsi par euphémisme, l’Occident chrétien désigne les capitas néocoloniaux comme des ‘hommes forts’, des ‘seigneurs de guerre’ (après la Guerre froide) salués par Bill Clinton comme des ‘despotes éclairés’ ou ‘la nouvelle génération des dirigeants africains’. Cette «crise de vocabulaire» se paye la tête des congolais. Elle fut dénoncée jadis par Cheik Anta Diop à propos du fumeux ‘retour (recours, corrigé par L.S. Senghor) à l’authenticité’ développé à Dakar (1973) par un griot mobutiste de triste mémoire, Sakombi Inongo.

En réalité le président américain Bill Clinton n’était pas dupe en 1996 mais révélé cynique et négrier moderne comme à la fin du XIXe siècle. A l’exemple de son prédécesseur en 1960, D. Eisenhower, il barra la voie à la seconde indépendance du Congo: la libération de l’anachronique caporalisme des capitas implanté par la CIA le 14 septembre 1960. Il arrêta net l’évolution politique insufflée par la dynamique de la Conférence Nationale Souveraine « CNS » (1991-1992) consistant à recourir à l’histoire pour refonder l’Etat. Chaud partisan de la suppression de la « mémoire historique » du peuple congolais en appliquant l’amnésie comme instrument néocolonial, la politique de la canonnière du président américain empêcha l’avancée des congolais dans la conquête effective de l’Etat de droit, de la démocratie et des droits humains instruits des leçons du passé. Après 36 ans, Clinton remit les pendules à l’heure de la dictature du bulamatadi. Il reproduisit ainsi le Congo Program 1960 de la CIA: la réinvention du capita néocolonial, cette copie fidèle du capita colonial devenu le Capita National au pouvoir d’Etat. Le précieux chainon manquant a été trouvé en l’occurrence: un autre caporal de réserve en la personne de Kabila II, un fusible replacé depuis dans le circuit politique congolais ne varietur.Comme en 1960 et sous l’égide internationale du « monde libre » (+ « ONUC ») devenue « communauté internationale » (+ « MONUC ») le lien a été renoué avec l’époque coloniale et léopoldienne menacée de mort par la victoire de l’Indépendance ‘Uhuru’ proclamée en 1960 et celle de la ‘Souveraineté’ décrétée en 1991 par la Conférence Nationale.

3. L’industrie de fabrication des réfugiés

La gamme variée des patterns oppositionnels constitue l’industrie de fabrication des réfugiés, un épiphénomène qui, dans le cas précis du Congo, est le résultat pervers ou la conséquence directe du pillage néocolonial des ressources naturelles pratiqué dans le silence de cimetière imposé au pays. Les congolais insécurisés à l’intérieur des frontières nationales sont devenus malgré eux une hypothèque internationale. Pendant 50 ans, bien que la population ait quintuplée au fil des ans, la moyenne statistique qui déserte à l’étranger reste constante: 1/10e de la population totale du Congo, 3 à 6 millions selon Development Research Centre /University of Sussex, 2010. Ainsi, dans le monde les congolais sont rangés parmi les plus anciennes vagues des émigrés remontant, en Afrique, à l’époque du ‘soleil des indépendances’. Ils sont en gros répartis par vagues articulées selon les périodes de la Guerre froide et d’après la Guerre froide.

Dès lors il convient de distinguer les réfugiés dans leur pays appelés déplacés de guerre, ceux qui franchissent la frontière nationale devenus des sans- papiers ou des demandeurs d’asile tandis que les chanceux sont reconnus réfugiés (statutaires) par l’UNHCR. Ces derniers sont respectivement régis par trois différentes conventions de Genève (1951), de l’Organisation de l’Unité Africaine OUA (1968) devenue l’Union Africaine ‘UA’ et celle propre à chaque Etat.

En outre, l’UNHCR distingue les réfugiés urbains qui sont pourvus du statut individuel à la différence des prima facies regroupés dans les camps et dotés du statut collectif. La triple solution de l’UNHCR (rapatriement volontaireintégration sociale et réinstallation) s’applique instamment aux premiers, de manière aléatoire aux autres qui, souvent, font en bloc l’objet de rapatriement volontaire selon l’expression consacrée par les fameuses ‘Commissions Tripartites’ comprenant les délégués de l’UNHCR et des gouvernements respectifs de la RDC et des pays hôtes.


La destination des réfugiés congolais pendant et après la guerre froide

1. La remise en question des patterns (néo)coloniaux

Deux partis politiques et leurs alliés respectifs sont sortis du lot de la poussière des patterns oppositionnels, c’est-à-dire de la manipulation (néo)coloniale des contradictions principales et secondaires évoqués plus bas. C’est pourquoi, de manière emblématique ces partis politiques ont marqué la contestation coloniale et néocoloniale au point de créer et de symboliser le nationalisme congolais et africain: la revendication de la liberté, de la démocratie et du droit de vivre dignement comme homme et femme (refusé aux congolais) dans leur propre pays. Ces partis sont le Mouvement National Congolais/ Lumumba ‘MNC/L’ créé à l’époque coloniale finissant (1958) et l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social ‘UDPS’. Cette opposition non violente, contrainte à la clandestinité pendant la dictature du Parti-Etat fut créée de manière très originale en 1982 en vertu de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de l’ONU dont la république bananière est partie.

2. La destination générale des réfugiés congolais

La machine répressive de l’Etat policier sous la férule des Capitas Nationaux en succession à l’imperium s’acharne chaque fois à détruire les deux grands partis politiques cités, à harasser, enlever, torturer et assassiner leurs militants au point de contraindre à l’exil certains rescapés à la mort. L’Afrique (79.7%) et l’Europe (15.3%) ont accueilli les vagues des sans-papiers, des demandeurs d’asile et des réfugiés congolais de la 1ère République putschiste du 14/09/1960 jusqu’à la 3ème République caporaliste de 2006 à nos jours. Les USA ont accueilli principalement les réfugiés congolais des 2e et 3e Républiques caporalistes de 1970 et de 2006 à nos jours. Traités de « communistes » (mot fourre-tout pendant la Guerre froide) les nationalistes du « MNC/Lumumba » et affiliés pendant la 1ère République putschiste (1960-1970) évitaient pour des raisons évidentes l’exil chez les « néocolonialistes et impérialistes » (USA) et se réfugiaient en Europe occidentale, côtoyant les «sécessionnistes» (sic) par exemple, dans les pays de l’ex Pacte de Varsovie et en République Populaire de Chine.

L’«UDPS» ouvrit la contestation frontale de la sanguinaire dictature de droite en sapant les fondements caporalistes de la 2ème République. Sans recourir aux armes, ce parti politique enseigna au peuple congolais à surmonter la peur armé seulement des droits humains, à l’oral comme à l’écrit, à revendiquer la dignité d’exister en tant que des hommes et des femmes libres dans leur pays et au monde. C’est la substance de la lettre ouverte de 52 pages du 1/11/1980 au potentat du 14 septembre 1960 par les 13 courageux parlementaires devenus les fondateurs dudit parti politique (1982). La désobéissance civile assumée au prix même de la mort contre la dictature caporaliste était née : « Zamba epeli moto banyama baboyi kokima ! » Malgré que le feu fasse rage dans la jungle les animaux refusent de s’enfuir! Une citation proverbiale d’un chant allégorique célébrant la ‘victoire sur la peur’ répercutée par le guitariste frondeur F. Lwambo. Subversif encore à cette époque fut l’ouvrage: «Je suis un Homme!» écrit par l’Archevêque catholique E. Kabange. Dans le sillage tracé par la fille aînée de l’opposition congolaise des ilots de résistance suscités dans les divers secteurs associatifs, civils et corporatifs, voient le jour: école privée, ONG des droits humains, presse indépendante etc. La Conférence Nationale Souveraine concrétise et couronne le combat pour l’égalité des citoyens sans discrimination sur le plan social (‘citoyens d’en-haut’ – les grands – versus ‘citoyens d’en-bas’ – les petits), du genre (homme versus femme), promeut la méritocratie en lieu et place des antivaleurs prioritaires tels le militantisme fasciste et le charme féminin à l’embauche, la conquête des libertés matérielles (liberté scolaire, liberté d‘opinion, liberté d’association, liberté de presse etc.), la justice sociale, la démocratie, l’Etat de droit. Ceci, faut-il quand même le reconnaître, en concordance avec la mouvance des droits humains déclenchés dans le monde par le président américain Jimmy Carter qui, en 1977, remit en question la définition de la diplomatie exercée selon l’éminence grise H. Kissinger. Les réfugiés de la vague « UDPS » ont afflué aux USA, au Canada, aux portes de l’Europe voire en Australie. Ils continuent ainsi l’exode pendant la 3ème République qui est le décalque caporaliste de la 2ème République. En effet, le Capita National en place au Congo est un réserviste «FPR»: la Force Publique Revenue (Mobutu) comme Front Patriotique Rwandais (Kabila II).

La «crise» : un canard à déboulonner au Congo

Refuser le droit de cité au mot ‘crise’ n’est pas faire la politique d’autruche. C’est plutôt faire la politique d’autruche que ne pas oser fixer et nommer la débâcle qui fait rage en permanence en République D. du Congo voilà cinq décades. Congolisation ou Zaïrianisation, c’est tout un. Rejeter le mot ‘crise’ est un premier pas sur la voie de la libération nationale. Tenez! Dans le contexte précis du Congo, le mot ‘crise’ a perdu son sens courant, littéraire et académique. A l’exemple du mot ‘démocratie’ recouvrant au pays la dictature sanguinaire et qui relève aussi de la sémiologie caractéristique des patterns oppositionnels dénoncés ici. Depuis la récupération (néo)coloniale de l’indépendance le 14 septembre 1960, sur le plan social, économique et politique, ce mot est un pernicieux soporifique pour accompagner l’extinction en douce des générations successives des congolais (déjà trois de 1960 à ce jour) qui sont chaque fois capturées et bercées dans le mirage des faux espoirs de la perception du tunnel. Ce vocable induit ainsi la complicité active des victimes avec leurs bourreaux dans l’effacement cynique mais efficace de leur propre Mémoire en permettant l’intrusion des régimes caporalistes. Des pêcheurs en eaux troubles, des kléptocrates -constructeurs du pays dans toutes ses coutures, ces parasites rampant dans le crime international d’initié engrangent dans les banques des pays du Nord des milliards de billets verts estampillés « In God We Trust ». Ils sont renouvelés au pouvoir en entonnant le crédo répétitif de la reconstruction nationale dès lors que ces pions assurent l’endettement permanent du Congo, en entretenant la récurrence de la crise qui n’est plus définitivement.